Un rare amplificateur Fender Deluxe 5A3 TV Front de 1951, en très bel état.
Ce coquet appareil nous renvoie quasiment aux sources de l’entreprise Fender, avant l’introduction des guitares électriques qui feront plus tard la renommée du fabricant, avant même qu’il ne produise des instruments à cordes. Il est l’évocation d’une époque où Leo Fender, tout juste âgé de 35 ans, commençait à se faire un nom par sa fabrication d’amplificateur pour instruments de musique et systèmes de sonorisation. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il s’associe pour un bref moment avec l’ingénieur Doc Kaufman, qui avait déjà fait ses armes dans le développement de modèles de guitares électriques pour Rickenbacker en concevant notamment le premier système de cordier vibrato pour guitare, et tous deux fondent la société K&F Manufacturing Corporation. Cette collaboration ne durera vraiment qu’une année, puisque Leo Fender reprendra seul les rênes de l’entreprise dès 1946, créant dans le même temps une série d’amplificateurs qui sera le début de son succès : par ordre de taille croissante, le Princeton, le Deluxe (dénoté alors Model 26) et le Professional. À leur débuts, ces amplificateurs sont assemblés dans d’élégants cabinets en bois (« Gleaming blonde maple, black walnut, and dark mahogany », d’après les brochures d’époque), tant inspirés dans leurs formes rondes et épurées par le mobilier moderne américain des années 40 qu’on les croirait tout droit sortis d’un catalogue Heywood-Wakefield – c’est de cette construction que provient le surnom Woodie, désignant la première mouture des amplis Fender. Les circuits sont eux montés en point-par-point, dans un semblant de pèle-mêle à l’intérieur du chassis, ce qui était monnaie courante dans les amplificateurs archaïques de la décennie précédente. Or, les élans d’innovation de Léo Fender ne tarderont pas à porter de nombreux changement à ce design : en 1947, on note l’apparition des premiers circuits soudés sur des cartes, donnant un aspect plus ordonné au montage et plus régulier d’un amplificateur à l’autre, facilitant et accélérant probablement aussi le travail d’assemblage. C’est également cette année qu’est initié un changement majeur dans l’esthétique des amplis Fender, avec l’introduction des cabinets couverts de tweed, matériau textile hautement résistant emprunté aux bagages pour avion. Le Deluxe adoptera ce nouveau look en 1958, et c’est ainsi qu’on arrive au présent modèle.
Son cabinet renferme un haut-parleur de 12 pouces, et arbore sur sa face avant une ouverture rectangulaire aux bords arrondis, évoquant les téléviseurs des années 50 – d’où le surnom TV Front attribué à ce modèle. La plaque de contrôle chromée et sérigraphiée avec le logo Fender sur le haut de l’appareil comporte les entrées pour les canaux Instrument et Mic (deux entrées par canal), un potentiomètre de volume pour chaque canal et un potentiomètre de tonalité pour le canal Instrument, qui sert également d’interrupteur d’allumage général. Sous le capot, on retrouve les cinq lampes constituant le circuit du Deluxe, de diverses marques récentes ou NOS : une lampe de redressement 5Y3, une lampe de pré-amplification 6SC7, un inverseur de phase 6SC7, et deux lampes de puissance 6V6GT. À l’exception du condensateur au mica incorporé au circuit de tonalité, tous les condensateurs chimiques et de découplage ont été remplacés lors de différentes interventions au fil de la vie de l’amplificateur – tous sont fonctionnels à ce jour, de même que les résistances situées dans le circuit de filtrage des tensions d’alimentation qui ont dû être remplacées. Le cordon d’alimentation à été changé au profit d’un cordon moderne avec prise de terre, brochage américain. Le reste des composants (haut-parleur, résistances, potentiomètres, transformateurs, porte-fusible, voyant lumineux…) sont d’origine. On note les traces d’un revêtement en vinyl rouge aux motifs floraux encore fixé dans certains recoins du cabinet, qui a dû à une époque recouvrir l’intégralité de l’amplificateur – témoignage de son utilisation par un groupe de rock psyché dans les années 60 ? On ne le saura hélas probablement jamais…
Soigneusement nettoyé et ajusté par nos soins, on peut désormais tirer le maximum de ce petit ampli, d’un son clean équilibré jusqu’à un début de crunch mordant. Alimentation en 110V.