Superbe Fender Stratocaster de 1964, en état d’origine exceptionnel.
Nous marquons cette année le 70e anniversaire de la Fender Stratocaster, introduite en avril 1954, et redécouvrons à cette occasion la magie de ce modèle mythique sous la forme de cet exemplaire produit en 1964, 10 ans après le lancement initial du modèle. La Stratocaster a régné en maître sur le paysage de la solidbody made in Fullerton pour la meilleure partie des années 50, détrônant les modèles fondateurs que sont la Telecaster et l’Esquire dont l’image sympathiquement surannée était fortement empreinte des virtuoses de la country et du western swing, des Jimmy Bryant, Don Rich et consorts. À l’inverse la Stratocaster incarnait une forme de modernité, avec son corps asymétrique pourvu d’un contour, sa configuration à trois micros simple bobinage et son chevalet vibrato Synchronized Tremolo, et ne tarda pas à devenir l’instrument de choix des premières stars du rock’n’roll naissant – citons en particulier Buddy Holly, dont le style de jeu unique est intimement lié à sa guitare, et dont on ne peut que regretter qu’il n’ait eu l’occasion de le développer plus avant à cause de sa disparition prématurée… En tout cas, l’influence de Holly et de ses contemporains rockers aura cimenté la popularité de la Stratocaster auprès du public américain et boosté ses ventes, contribuant ainsi grandement à l’expansion de l’entreprise Fender qui est passée d’une petite affaire employant tout au plus quelques dizaines de travailleurs à un fabricant majeur doté d’un complexe de production comprenant 27 bâtiments dans lesquels besognaient pas moins de 600 employés au total, tout en l’espace d’une décennie.
À l’aune des années 60, un nouveau phénomène musical fait son apparition sous la forme de la surf music – un genre principalement caractérisé par ses compositions instrumentales tapageuses, remplies de roulements de toms et de caisse claire, de solos de saxophone, et surtout de riffs de guitare noyés dans de la spring reverb, un nouvel effet fraîchement rendu disponible aux guitaristes. Les morceaux apportent une couleur particulièrement exotique dans le paysage musical de l’époque, et excitent l’imagination des jeunes Américains dont beaucoup vivent bien loin des côtes ensoleillés de la Californie. Ainsi, selon les mêmes modalités qu’un phénomène similaire survenu 45 ans auparavant avec l’avènement de la musique hawaiienne qui avait propulsé les ventes de ukulélés et slide guitars, une nouvelle génération de musiciens vient gonfler les rangs des guitaristes, faisant souvent le choix de la Stratocaster qui était à l’époque le modèle professionnel le moins cher équipé d’un vibrato – les Jazzmasters et Jaguar ayant pris l’ascendant dans le catalogue. Ils se retrouvaient ainsi émules de leurs idoles du surf rock joueurs de Strat – nous pensons bien sûr aux Ventures et aux Surfaris, mais principalement à Dick Dale, le King of the Surf Guitar, qui parlait de son instrument fétiche selon les termes suivants : « For the particular sound you want – punch, power, a driving force of true rock and roll – you’ve got to play a Stratocaster ». Nous pouvons de même évoquer l’importance, plus proche de chez nous, de Hank Marvin et des Shadows qui auront également fait des prescripteur par excellence de la Stratocaster au Royaume-Uni et en Europe – et en cela auront été grandement responsable des commandes qui affluent dans la première moitié des années 60 pour des Stratocaster portant une Custom Color Fiesta Red !
L’instrument présenté ici voit le jour au coeur de l’âge d’or de la surf music et alors que l’ère Fender pre-CBS arrivait à son paroxysme – quelques mois seulement avant que le fabricant de Fullerton ne soit racheté par le géant de l’audiovisuel en janvier 1965, marquant la fin de la manufacture à petite échelle et son entrée la grande industrie. Les Strats pre-CBS sont essentiellement caractérisées par deux éléments : leur finition Sunburst 3-tons pour laquelle Fender était enfin parvenu à maîtriser la tenue de la couleur rouge, et le manche en érable surmonté d’une touche en palissandre, en remplacement des manches entièrement en érable. On peut mettre en avant deux éléments susceptibles d’expliquer le passage de la touche en érable à celle en palissandre : d’une part, une volonté de Fender de s’aligner sur les caractéristiques des instruments de leurs concurrents, et ainsi débaucher leur clientèle en leur offrant un point de repère connu ; d’autre part, la réalisation que les vernis cellulosiques disponibles à la fin des années 50 et au début des années 60 n’offraient pas une resistance suffisante au jeu, menant souvent à l’usure du vernis et un noircissement peu flatteur du bois clair en dessous.
On retrouve par ailleurs le logo spaghetti – un héritage de la décennie précédente, présent sur les Stratocasters pendant encore quelques mois après la production de cette guitare avant d’être remplacé par un logo plus large dit de transition, à l’identique de celui déjà présent sur les Jaguar et Jazz Bass ; les incrustations de touche dites clay dots ; un pickguard en acétate de cellulose qu’ont la couleur a tourné au vert comme c’est fréquemment le cas avant que Fender ne les remplacent par une plaque en ABS ; un jeu de six mécaniques individuelles Kluson Deluxe. Tous ces éléments, ainsi que les trois micros simple bobinage grey bottom, le câblage en fil tissu ainsi que les potentiomètres datés à la bonne année et la capacité de tonalité sont d’origine, le manche est daté de septembre 1964. Voici donc un exemplaire pur d’une guitare mythique, que nous avons pris le soin de régler intégralement dans notre atelier avec planimétrie des frettes, confection d’un sillet de tête en os, afin d’optimiser le confort de jeu avec une action basse et une intonation juste.
Vendue dans son étui Fender white tolex d’origine, accompagnée de son certificat d’authenticité réalisé par Jérôme Casanova.
VENDUE