Une iconique basse Höfner modèle 500/1 « Violin Bass », faite à Bubenreuth, RFA, vers 1965, en bel état général.
Que dire de plus qui n’ait pas déjà été maintes et maintes fois proclamé à propos de cet instrument – il s’agit sans nul doute de la basse électrique la plus reconnaissable de l’histoire de la musique amplifiée, aux côtés des Precision et Jazz Bass construites outre-Atlantique. Nous trouvons cependant un instrument éminemment empreint de la tradition de lutherie germanique, que le père fondateur Karl Höfner maniait dans sa facture d’instruments du quatuor débutée à la fin du XIXème siècle. Il était alors jeune luthier établi dans la bourgade de Schönbach en Bohême – cette localité de l’empire Austro-Hongrois, située en République tchèque actuelle, jouissait d’une réputation notable pour sa facture instrumentale, si bien qu’on la connaissait sous le nom Crémone autrichienne.
Quelques pages sombres d’Histoire plus tard que nous laisserons à ceux qui le souhaitent le soin d’explorer, vers 1948, la famille Höfner se voit contrainte de quitter la République tchécoslovaque dans le cadre de l’expulsion des Allemands des Sudètes et se retrouve déplacée en Bavière où elle fonde une nouvelle usine de facture d’instruments. Après quelques années de déboires administratives dans l’Allemagne d’après-guerre, la production se remet en branle avec le concours des deux fils de Karl Höfner, Josef et Walter. Le second est particulièrement estimé pour ses talents de maître-artisan luthier, et avait déjà contribué dans les années 1930 à l’introduction de guitares espagnoles et hawaïennes au catalogue familial.
Or, le début des années 50 marque une nouvelle expansion du marché de la guitare, chose particulièrement flagrante aux États-Unis où les effets de la guerre avaient été moins dévastateurs sur l’industrie musicale que ce n’était le cas en Allemagne. Pour autant, les frères Höfner ne perdent pas de temps à roder leur affaire, si bien que dès 1951 ils présentaient lors de la prestigieuse exposition d’instruments de musique de Düsseldorf pas moins de 20 modèles de guitares flattop et archtop. Les guitares électriques espagnoles et hawaïennes feront leur apparition au catalogue de 1953 – à cette époque, les ateliers de Höfner se situent en RFA dans la Zone d’occupation américaine, et on peut supposer que la présence de personnels militaires et administratifs américains ait porté l’inspiration de la culture musicale du début des années 50 et les instruments qui la représentent, notamment les guitares de Gibson dont les premières solidbody faisaient leur apparition au même moment. Enfin, l’année 1955 vit l’introduction d’un nouvel instrument électrique, clé de voûte de l’oeuvre de Walter Höfner et celui qui nous intéresse en l’occurence : la Violin Bass modèle 500/1, là où la tradition rencontre la modernité.
Dans sa forme initiale, la 500/1 est finalement assez proche en apparence de celle que l’on rencontrera dans les décennies à suivre, avec des variations successives des micros, de l’accastillage et de certains détails de construction. Bien qu’il n’existe pas de registres commerciaux permettant d’en attester formellement, il semblerait que dans ses premiers jours la Violin Bass n’ait pas rencontré un succès fulgurant : les totaux de production estimés jusqu’à 1959 peinent à atteindre les quelques centaines d’exemplaires, et les distributeurs de Höfner, dont le principal est Selmer London représenté par Ben Davis, semblaient réfractaires à l’aspect audacieux du modèle et lui préféraient des instruments aux formes plus convenues, notamment la basse 500/5 – un comble pour le fabricant issu de la lutherie du violon ! De fait, la 500/1 aurait très bien pu se fondre dans la masse de la production de lutherie européenne, écrasée au fil de l’Histoire par l’hégémonie des guitares américaines, sans l’intervention d’un personnage bien particulier.
C’est probablement par hasard qu’en 1961, un jeune Paul McCartney pousse la porte du magasin Steinway situé au 29 Colonnaden à Hambourg, en quête de l’instrument dont il a besoin pour se produire avec les Beatles dont il vient d’être désigné comme bassiste suite au désistement de Stuart Sutcliffe. À cette occasion, il aurait découvert l’existence de la 500/1, et passé par la suite une commande pour un instrument gaucher convenant à ses besoins. Un an et demi plus tard, les Beatles feraient leur entrée dans les charts britanniques et se verraient propulsés sur le devant de la scène, multipliant les tournées et les apparitions télévisuelles – avec McCartney systématiquement au bras de sa basse Höfner, dont l’aspect iconique ne tardera pas à se faire désirer par des hordes de nouveaux Beatlemaniacs. Effectivement, les commandes explosent à l’été 1963, principalement par l’intermédiaire de Selmer London qui se fera le principal promoteur de ce que l’on peut à présent nommer la Beatles Bass, et l’instrument connaîtra une série d’évolutions pour répondre à la demande colossale.
L’instrument présenté ici, produit vers la seconde moitié de l’année 1965, reflète l’avancement de ces évolutions, avec les caractéristiques suivantes : la table de l’instrument est faite d’épicéa laminé et moulé en forme de voûte ; le fond et les éclisses sont construits d’érable laminé, l’ensemble de la caisse portant une finition Sunburst ; le manche en érable en deux pièces ; touche en palissandre cernée d’un filet en celluloïd blanc ; deux micros 511B dits staple pickup avec des entourages taraudés permettant leur ajustement en hauteur ; un cordier raccourci par rapport aux versions précédentes ; un jeu de quatre mécaniques ouvertes individuelles. On retrouve également à l’arrière de la tête l’étiquette du marchand Socaro, fréquemment rencontrée sur les Höfner destinées au marché français. Cet instrument témoigne d’une bonne utilisation passée : on note une usure liée au jeu sur la table, ainsi que l’absence de son pickguard. L’assemblage comprenant potentiomètres et composants électroniques a également été remplacé. Pour autant, la basse reste joliment conservée, et parfaitement jouable : elle n’est pas affectée par le manque de renversement du manche par rapport à la caisse qui affecte notoirement ce modèle, et après un refrettage et la reprise complète de ses éléments de réglage dans notre atelier elle a retrouvé une action basse et une jouabilité optimale. Nous nous devons d’exprimer notre appréciation particulière pour ce modèle : avec son diapason court de 30 pouces environ et son corps hollowbody au format réduit ultra-léger, c’est à notre sens un instrument tout à fait singulier parmi le panthéon de la musique du XXème siècle.
Vendu dans un étui moderne à la forme, avec une sangle et un lot de médiateurs à l’effigie des Beatles.
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