MARTIN 2-17 1930

5.950,00

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Informations complémentaires

Fabrication

Date

État

Diapason

Sillet de tête

Table

Fond et eclisses

Martin 2-17 de 1930, en excellent état d’origine et de conservation.

Un petit pas pour Martin, un grand pas pour la guitare flat-top – c’est ainsi que l’on pourrait résumer la place dans le panthéon de la guitare américaine de ce modèle au format réduit et d’apparence quelconque, qui fut pourtant témoin et vecteur d’une des plus importantes évolutions qu’a connues l’instrument au début du XXème siècle : le passage définitif des cordes en boyau, matériau employé sur toutes les guitares depuis leur émergence au XVIème siècle, aux cordes en acier. En effet, c’est sur un encart publicitaire produit en 1922 et présentant le style 2-17 que l’on retrouve pour la première fois la mention Steel Strings Only – c’est-à-dire, un instrument réglé dès sa sortie de l’atelier pour le jeu avec des cordes acier.

Soulignons à ce sujet que Martin proposait à l’époque deux types de réglage : celui pour cordes acier et celui pour cordes boyaux, le premier étant dispensé aux modèles d’entrée de gamme (principalement les styles 17 ou 18) tandis que le second était privilégié sur les modèles plus onéreux en palissandre. Il faut croire que le réglage pour cordes acier était moins coûteux à mettre en oeuvre pour les ouvriers de Martin, à tel point que le fabricant en avait fait une variable d’ajustement à part entière dans la tarification de leurs guitares. Nous en tenons pour preuve une lettre écrite par Frank Henry Martin en date du 14 mai 1923 dans laquelle il indique : « La 2-17 est conçue uniquement pour le commerce avec des cordes en acier et son prix [ndlr. 25 dollars en 1922] ne nous permet pas de faire le choix d’un réglage plus précis pour les cordes en boyau. »

En réalité, Frank Henry Martin, le troisième dirigeant de l’entreprise, restait conservateur et élitiste dans son rapport aux guitares qu’il considérait comme un instrument noble, dans la lignée de celui importé par son grand-père depuis l’Europe romantique, et dans les années 1920 il demeurait tout à fait imperméable à l’idée même des cordes acier qu’il associait avec un dédain évident aux musiques populaires – même si, par la force du changement des habitudes de jeu et de la demande des musiciens, il se verra finalement contraint de leur céder. Ce tiraillement est parfaitement illustré dans un courrier adressé par F.H. Martin à un de ses distributeurs (encore adepte des cordes boyaux) en 1929 : « Nous sommes heureux de voir que vous préconisez l’utilisation de cordes en boyau. Vous avez bien sûr tout à fait raison et nous espérons que vos conseils seront suivis par les étudiants. Pendant de nombreuses années, nous avons pris cette question très au sérieux et nous nous sommes efforcés de convaincre nos distributeurs que seules les cordes en boyau conviennent à une bonne guitare. Enfin, nous avons cependant été obligés de conclure que nous pourrions tout aussi bien essayer d’endiguer les marées océaniques. Il est pire qu’inutile de fabriquer des guitares qui ne conviennent qu’aux cordes en boyau alors qu’il est clair qu’au moins 95 % des guitaristes n’utiliseront jamais rien d’autre que des cordes en acier. C’est particulièrement vrai aujourd’hui car il y a une demande croissante de guitares destinées aux orchestres de danse. Vous comprendrez dès lors le problème que cela pose à un fabricant doté d’idéaux musicaux. » C’est vraisemblablement à contrecoeur que la transition s’effectue à la fin des années 20, avec le renforcement progressif des manches, des tables et des barrages des guitares pour accommoder la tension accrue des cordes acier et palier les problèmes de déformations rencontrés dans les premières années de leur emploi. Finalement, avec l’avantage du recul historique, nous nous rendons compte que c’est en déviant de ses idéaux musicaux et en accédant à la demande du marché que Frank Henry Martin favorisa l’apparition de ses modèles les plus iconiques au début des années 30 : les formes D pour Dreadnought et OM pour Orchestra Model, qui sont de véritables pierres de touche pour la guitare américaine moderne. Et au milieu de ce chamboulement, il faut bien considérer que c’est la 2-17, un modèle économique, donc destiné au tout public, qui a grandement avancé la promotion auprès du plus grand nombre de ce concept central à la modernité qu’est l’emploi des cordes en acier – en plus d’assurer la mutation de la guitare comme instrument principalement aristocratique vers un instrument populaire.

La guitare présentée ici voit le jour à l’aube des années 30, alors que les États-Unis chavirent dans la crise économique… pourtant, Martin parvient à écouler pour l’année 1931 pas moins de 475 exemplaires de 2-17. Un tour de force productiviste, et la preuve également que les modèles les plus simples, épurés, constitués d’une seule essence de bois, l’acajou, répondent à une demande qui est non des moindres en ces temps difficiles – celle-là même qui assurera le succès du modèle 0-17, qui prendra l’ascendant les années suivantes sur la 2-17 au bénéfice de sa taille de caisse accrue. Pour autant, malgré son apparence, la 2-17 développe une puissance sonore surprenante et un très bel équilibre sur toutes les positions de jeu, grâce à la finesse des parties de bois qui la constituent et notamment son barrage allégé associé à une petite bridge plate en érable qui permettent la vibration maximale de la table d’harmonie. La 2-17 est un instrument singulier, à la confluence des deux époques de Martin : elle allie des éléments archaïques tels que les frettes barres et un manche avec douze cases hors-caisse avec les caractéristiques balbutiantes de la flat-top moderne, et il est certain que bien qu’elle soit méconnue, il s’agit d’une guitare incontournable parmi les modèle pre-war de Martin.

L’instrument demeure à ce jour en excellent état de conservation, exempt de majeurs défauts. Afin de lui restituer une parfaite jouabilité, nous nous sommes appliqués à effectuer un neck-reset afin de retrouver une action basse tout en conservant l’intégralité des parties originales, dont le chevalet en palissandre et la bridge plate. Nous avons également réalisé un sillet de tête en os en copie de l’original, et refretté la guitare avec des frettes barres identiques à celles employées initialement.

Vendue dans un étui moderne à la forme. Équipée d’une cellule piezo passive placée sous le chevalet.

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